Enjeux et perspectives de l’enseignement universitaire
à distance en milieu carcéral
en collaboration avec la Direction de l'Administration
Pénitentiaire
Etudiants en milieu
carcéral : de l'enseignement présentiel à la distance
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Karine
Marot, Vice-Présidente adjointe vie étudiante, Université
Paris-Est Marne-la-Vallée
Jean-René Gauvreau, Responsable Local d’Enseignement,
Maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis
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Karine Marot
: Je suis Vice-Présidente adjointe vie étudiante
donc assez loin du milieu carcéral. J’ai été
missionnée par le Président pour la mise en œuvre
de la convention tripartite qui a été signée
par la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, la Région
île de France et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée.
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La convention tripartite avec
la Région île de France
Dans la convention, nous avions simplement à inscrire gratuitement
les étudiants incarcérés dans nos diplômes.
C’est tout ce dont nous étions tenus réellement,
mais nous avions la possibilité de proposer des projets d’enseignement
qui seraient en partie financés par la Région. J’ai
fait une proposition et après avoir beaucoup lu sur le sujet,
j’ai vite compris que ce qui comptait était le présentiel.
Il y avait beaucoup de choses qui existaient à distance, mais
en présentiel, en île de France, il n’y avait que
l’Université Paris 7 Diderot qui y travaillait sur certaines
licences, et il me paraissait incontournable que nous puissions entrer
à Fleury-Mérogis.
Le premier problème était celui de la distance, il y
a 100km entre Marne-la-Vallée et Fleury-Mérogis. D’autre
part, nous ne sommes pas dans la même académie. Fleury-Mérogis
dépend du rectorat de Versailles et Marne-la-Vallée
de celui de Créteil.
Néanmoins, nous avons construit quelque chose qui tient la
route, perdurera même si les financements régionaux s’éteignent,
ou en tout cas diminuent, puisque nous avons réussi à
construire à Marne-la-Vallée ; ce qui est une section
des étudiants empêchés.
A faire du présentiel, j’étais un peu toute seule
au début du projet avec un collègue investi dans le
milieu carcéral depuis longtemps, Christian Delacroix qui a
pris sa retraite, auprès duquel j’ai beaucoup appris.
Je me suis alors posée le problème de convaincre des
collègues à aller enseigner en prison. Je n’ai
pas eu de mal à le faire car ils étaient déjà
convaincus avant que je ne leur en parle et dès qu’ils
ont su que cela existait, beaucoup m’ont interpelée directement,
manifestant leur intérêt et demandant ce qu’on
ouvrait à Fleury-Mérogis.
Nous avons quand même 180 diplômes et il n’était
pas possible de tout proposer à cause des problèmes
posés par les stages ou l’apprentissage qui sont la base
d’un grand nombre de nos diplômes qui ne pouvaient pas
être facilement transposables en milieu carcéral.
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Les étudiants
Nous sommes allés rencontrer le Proviseur de Fleury-Mérogis
et avons pu rencontrer tous les étudiants qui souhaitaient
s’inscrire ou qui avaient le bac ou le DAEU souhaitant s’inscrire
dans les licences.
Bien sûr, ces étudiants étaient triés,
puisque c’est le RLE (Responsable Local d’Enseignement)
qui s’en occupe avec l’équipe enseignante du centre
scolaire et ce sont eux qui sont les premiers à dire si ces
étudiants peuvent suivre un cursus de Licence, plutôt
quelle Licence et qui récupèreront ensuite leurs diplômes
par exemple.
Nous rencontrons donc ces étudiants qui, comme tous les bacheliers,
sont un peu perdus devant la richesse extraordinaire du monde universitaire,
ont une image du diplôme pas tout à fait conforme à
la réalité (par exemple on fait STAPS parce qu’on
fait du sport, mais à Marne-la-Vallée, on y fait de
la sociologie). Cela dit, ils ont déjà une certaine
idée de ce que nous faisons grâce au RLE, ils savent
quelles sont leurs compétences et aussi pourquoi ils veulent
le faire.
Pourquoi veulent-ils faire cela ? C’est vrai qu’ils bénéficient
d’une bourse du Conseil Régional d’île de
France et cela détermine beaucoup le désir de faire
des études, mais dans notre programme à Fleury-Mérogis,
nous inscrivons tout le monde, pas seulement les boursiers. La bourse
est certes un critère mais c’est très loin d’être
le seul. Nous avons vu, l’an dernier, certains s’inscrire
pour la bourse, puis se prendre au jeu et devenir des étudiants.
Ils passent toute l’année à devenir des étudiants.
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Les cours
Ensuite, il a fallu s’adapter, car on ne peut pas faire autant
d’heures de cours en maison d’arrêt surtout que
nous avons ouvert plusieurs diplômes. Nous avions des premières
années communes à plusieurs licences, 8 diplômes
ouverts l’année dernière et des enseignants pouvant
intervenir, mais ne pouvant se rendre à Fleury-Mérogis
toutes les semaines.
Nous avons donc fabriqué du cas par cas, c’est-à-dire
dépendant de l’enseignant responsable de la matière
et de ses disponibilités d’emploi du temps. Par exemple,
je fais des cours de géographie à Fleury-Mérogis
dans le cadre de la Licence 1 SHS, de la Licence 2 Histoire et avec
mon collègue géographe nous nous rendons à peu
près toutes les trois semaines à Fleury-Mérogis,
lui pour voir les premières année et moi le seul étudiant
inscrit en deuxième année. Notre temporalité
est donc un cours de trois heures toutes les trois semaines. Nous
arrivons avec le cours magistral en version papier, le distribuons
à chacun des étudiants et leur demandons de le lire
pour notre intervention suivante. A notre intervention suivante, ils
ont lu en général le document fourni, nous revoyons
avec eux s’ils n’ont pas compris certaines choses et nous
travaillons sur des documents qui sont ceux que nous utilisons en
TP avec nos étudiants de première année. Nous
faisons donc exactement la même chose en terme de contenu, même
si nous le faisons avec des modalités assez différentes.
Cela fonctionne très bien, nous nous trouvons avec des étudiants
en début d’année qui manquent surtout de méthodologie.
Ils sont plus âgés que nos étudiants de L1, leur
âge est plutôt autour de 40 ans. Comme ils sont très
investis et ils font ce que nous leur demandons, contrairement à
des étudiants de première année, nous avançons
vite, très, très vite… Avec notre étudiant
de deuxième année, nous sommes parfois dépassés
parce qu’il va plus vite que ce que nous lui amenons. Cela peut
être rebutant de recevoir des liasses de papier quand on est
inscrit à un cours à distance, mais il y en a qui sont
vraiment passionnés par les disciplines qu’ils ont choisies
même s’il n’y a pas un but derrière de sortie
de prison puisque notre étudiant de L2 par exemple, est là
pour une longue peine. Juste une anecdote pour cet étudiant
qui est là pour de longues années et depuis de très
longues années. Lui enseigner la géographie n’est
vraiment pas facile, car la géographie c’est le monde
d’aujourd’hui. Ce que nous enseignons, c’est 2015
sauf que lui ne sait pas ce qu’est 2015 hors de la prison, lui
ne sait pas ce qu’est vraiment un smartphone par exemple. Il
est complètement en dehors de la société et il
n’a pas choisi de faire une licence de géographie, mais
une licence d’histoire et je conçois qu’il faut
d’abord lui expliquer le monde dans lequel on vit dehors pour
pouvoir lui faire des cours de géographie.
Ce que nous avons construit est donc un peu hybride, c’est à
la fois de la distance puisque nous donnons nos cours et de la présence,
puisque le tutorat nous semble tout à fait essentiel.
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Réussites et difficultés
C’est extrêmement gratifiant, pour nous enseignants, de
faire du présentiel en milieu carcéral parce que le
public est beaucoup plus investi, ce qui les étonne lorsque
nous leur disons. Cela ne signifie pas que tout est rose car certains
matins, lorsqu’on se retrouve en salle d’attente où
on va piétiner les mains vides - on entre les mains vides,
juste avec nos cours et nos livres - et nous allons attendre une demi-heure
car il y a un problème, nous sommes coincés… Ou
lorsque nous arrivons au centre scolaire et que les élèves
ne sont pas là, car il se trouve que la personne qui fait la
note de service était malade et que la note de service n’est
pas partie pour des raisons qui nous échappent... Ou encore
lorsque nous arrivons et qu’il manque la moitié des étudiants
qui finiront par arriver une heure et demie après… heureusement
que le cours dure trois heures.
Ce qui est très dommage, c’est que lorsque nous avons
commencé, nous réunissions tout le monde, tous les bâtiments
de Fleury-Mérogis étaient concernés, il y en
a 7 dont 3 enceintes . Nous ne nous adressons pas aux mineurs cela
ne concernait donc que 5 bâtiments car un autre était
en travaux et les femmes venaient dans le quartier des hommes ou inversement
les hommes venaient dans le quartier des femmes pour leurs cours.
Cela change tout. Mélanger les publics femmes et hommes rend
pour nous les choses beaucoup plus faciles. Nous travaillons beaucoup
mieux lorsqu’il y a des femmes avec les hommes car là,
ils deviennent extrêmement respectueux, prévenants, gentils,
agréables, aimables. C’est vraiment quelque chose d’extraordinaire.
Le cours se déroule d’une manière plutôt
festive, chacun intervenant en fonction de sa culture qu’il
s’est construite par le biais de documentaires, ils sont friands
des documentaires diffusés à la télévision.
Ils nous interpellent sans cesse, ils sont persuadés d’avoir
raison sur tout un tas de choses du quotidien alors qu’il faut
leur apprendre que la démarche scientifique n’est pas
ce qu’on croit savoir et qu’elle reste à construire
avec eux.
Tout cela n’est possible que grâce à l’aide
des enseignants, les RLE, qui travaillent avec monsieur Boussarie
(Proviseur de l’UPR de Paris) et du proviseur de l’ensemble
des centres scolaires de la Maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis.
C’est pour cette raison que j’ai demandé à
monsieur Gauvreau de m’accompagner, car nous sommes deux pour
arriver à faire que ce cours d’enseignement supérieur
puisse se dérouler.
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Jean-René Gauvreau
: Je suis un des six responsables locaux d’enseignement de la
Maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis. Il faut savoir
que Fleury-Mérogis compte actuellement 4 000 détenus,
7unités de détention dont une est fermée, une
unité pour mineurs et d’autres bâtiments concernés
par le dispositif de cours mis en place par l’Université
de Paris-Est Marne-la-Vallée. Au début, nous avons connu
ce mélange qui était vraiment génial, aussi bien
des hommes, des femmes venant de différentes unités
de détention. Malheureusement, pour des problèmes d’organisation
logistique et d’insuffisance récurrente des effectifs
de l’administration pénitentiaire, il n’a pas été
possible de le poursuivre. Ce qui fait qu’aujourd’hui,
ce dispositif est réduit à deux bâtiments : un
bâtiment uniquement de prévenus donc de détenus
non encore jugés et un bâtiment de personnes condamnées
dans lequel j’exerce la fonction de RLE. Nous regroupons ces
deux bâtiments pour la tenue des cours universitaires, ce qui
n’est déjà pas simple, Karine l’a déjà
indiqué, pour avoir les personnes en temps et en heures pour
assister aux cours.
Mon rôle consiste surtout à faire un lien entre l’université
et ces personnes, car je crois qu’en détention il y a
besoin d’humain. L’enseignement à distance c’est
bien, mais c’est très impersonnel, c’est un paquet
de cours qu’on remet à l’étudiant. Or il
n’y a que l’humain qui puisse lui apporter l’encouragement,
l’aide au quotidien et, effectivement établir la relation
entre une personne détenue et l’extérieur, Alain
Boussarie parlait que le handicap numérique, est très
compliqué et le RLE joue un peu ce rôle d’intermédiaire.
Cela peut être en particulier avec l’Université
de Paris-Est Marne-la-Vallée, mais aussi dans un cadre plus
large de l’enseignement à distance.
Les plateformes de téléchargement existent, l’enseignement
à distance s’est mis à l’heure du numérique,
mais nos personnes incarcérées n’y sont pas, nous
sommes toujours à l’ère du papier et cela ne peut
passer que par des échanges avec de l’humain. De l’humain
apporté par les quelques cours dispensés par les professeurs
de l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée et,
humain au quotidien, apporté par le RLE et les autres enseignants
du centre scolaire.
Je crois que Karine parlait d’étudiants intéressés,
motivés, mais il faut aussi les encourager, car ils ont parfois
des périodes de découragement, la vie en détention
n’est pas simple – il y a les mauvaises nouvelles, dans
une maison d’arrêt comme Fleury-Mérogis, il y a
une surpopulation, l’encellulement individuel auquel toute personne
condamnée devrait avoir droit n’est pas toujours respecté,
car la population carcérale atteint 66 000 personnes en France,
et une maison d’arrêt n’ayant pas vocation à
avoir des détenus condamnés, ils ne sont qu’en
situation de passage. Cette situation de passage pose aussi un problème,
car les personnes ayant commencé à suivre les cours
avec les enseignants de Marne la Vallée devront arrêter
quand ils partiront en Centre de Détention ou s’ils sont
libérés. Dans ce dernier cas, cela peut représenter
un intérêt, car nous avons des personnes qui ont essayé,
au moins pour le DAEU, de poursuivre leur scolarité, ici, sur
le site de l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée.
Cela reste aussi à construire, car il faudrait peut-être
faire en quelque sorte un sas entre la prison et l’université.
En effet, plonger quelqu’un qui a été captif un
certain temps, donc privé de liberté, dans un milieu
dans lequel il n’a pas eu l’habitude d’évoluer,
demande qu’on construise ce que je pourrais appeler un sas.
C’est le travail que j’essaie de construire avec mes 5
autres collègues pour ces personnes qui suivent des enseignements
universitaires.
Questions/réponses
:
Claire Hanen (Université
Paris Ouest Nanterre La Défense)
: J’aurais une question peut-être plus institutionnelle. Dans
votre établissement, lorsque vous avez mis en place ce projet,
j’imagine que le fait d’aller enseigner en prison est reconnu
dans les services. Comment cela se passe-t-il au niveau local pour la
gestion des équipes d’enseignants ?
Karine Marot : C’est assez simple, nous
déclarons dans nos services les heures effectuées à
la maison d’arrêt de la même manière que nos
heures de cours effectuées en présentiel dans nos locaux.
Ces heures sont rémunérées en Travaux Dirigés,
même si ce sont des Cours Magistraux que nous dispensons. Cela dépend
d’un volant horaire d’environ 300 heures qui y sont affectées
annuellement.
Anne Fraisse (Présidente
Université Paul Valéry-Montpellier 3) :J’aurais
voulu savoir quels sont les diplômes que vous proposez. Vous en
avez indiqué 8 sans les préciser.
Karine Marot : Je ne les ai pas cités
volontairement, car l’année dernière nous avions ouvert
des diplômes et, cette année, nous nous sommes recentrés.
L’année dernière pour une première expérience,
nous avions ouvert une 1ère année SHS (Sciences Humaines
et Sociales) qui aboutit en 3ème année à trois diplômes
différents, Histoire, Géographie et Sociologie. Nous avions
aussi ouvert une 1ère année de Licence Economie-Gestion
et, en fait, nous ne l’avons pas tenue jusqu’au bout. En effet
cela a très bien fonctionné avec l’équipe d’enseignants
du premier semestre, mais absolument pas avec l’équipe du
second semestre. Nous avons donc décidé de ne pas mener
cette formation jusqu’à son terme. Nous avons ouvert une
1ère année d’Anglais, d’Espagnol et de LEA (Langues
Etrangères Appliquées). A l’usage, les collègues
de langues qui se sont rendus à Fleury-Mérogis, ont préféré
n’ouvrir qu’une 1ère année de LEA, ce qui ne
les empêche pas d’avoir des étudiants en seconde année
d’anglais ou d’espagnol, mais cela leur paraissait à
la fois plus simple pour eux et plus adapté aux désirs des
étudiants.
Anne Fraisse : Sur ces diplômes, vous
arrivez à avoir des enseignants, il y a des aménagements
ou c’est l’ensemble des mêmes matières exactement
et l’ensemble des cours qui sont assurés ou certains le sont-ils
seulement en distance ?
Karine Marot : C’est très différent
d’un diplôme à l’autre. J’ai oublié
d’indiquer que nous avons ouvert cette année une licence
de Mathématiques-Informatique puisqu’il y a des cellules
à Fleury-Mérogis qui doivent être équipées
en matériel informatique. Cela dit, elles ne le sont pas encore
et il semblerait que ce soit opérationnel à la prochaine
rentrée de septembre. Nous nous contentons donc de ne faire que
la partie Mathématiques, nous attendons pour la partie Informatique
et espérons pouvoir la faire l’année prochaine. Il
y a cependant certains étudiants qui ont déjà acheté
l’ordinateur agréé dont parlait monsieur Boussarie
tout à l’heure et nous avons réussi à faire
entrer des logiciels à l’intérieur de la maison d’arrêt.
Pour en revenir aux modalités, pour les diplômes de langues,
nous avons deux enseignants qui se rendent plus souvent qu’une fois
toutes les trois semaines. Ces deux enseignants effectuent des séances
de 6 heures, trois le matin et trois l’après-midi. Ils se
chargent de tous les cours de la maquette de LEA et enseignent bien sûr
en LEA en présentiel. En histoire, Géographie et Sociologie,
nous fonctionnons très différemment, puisque chaque enseignant
de CM se rend à la maison d’arrêt. Nous avons également
un peu changé les maquettes, en ce sens que pour les options, il
n’y a pas de choix possible pour les détenus. Par exemple,
ils suivent tous l’option géographie puisque nous sommes
deux géographes impliqués à Fleury-Mérogis
Nous avons donc aménagé à la marge les maquettes
d’enseignement classiques, mais dans l’application de gestion
des étudiants, Apogée, la maquette est reproduite à
l’identique.
Laurence Havé (Université
Paul Valéry-Montpellier 3): J’ai une question
pratique : comment se passent les examens et les modalités de contrôle
de connaissances pour ces étudiants ? Vous déplacez-vous
? Est-ce le RLE qui s’occupe de l’organisation des épreuves
dans un temps donné ?
Karine Marot : La réponse est très
courte, c’est le RLE, monsieur Gauvreau qui fait tout !.. Les sujets
sont transmis au proviseur. C’est lui qui organise l’examen
en fonction de notre calendrier.
Jean-René Gauvreau : Effectivement,
c’est sous la responsabilité du RLE que se déroule
l’examen : avec le temps imparti, propre au sujet, les conditions
sans documents, et un professeur qui surveille l’épreuve
lorsqu’il y a plusieurs étudiants de la même spécialité.
Les copies sont ensuite transmises au professeur à Marne-la-Vallée
qui les corrigera comme celles des autres étudiants.
Karine Marot : Nous avons conservés
les mêmes modalités avec des partiels pour le cours magistral
et des notes de TD pour les devoirs intermédiaires que nous ont
rendus les étudiants.
Antoine Rauzy (UPMC
/ Président FIED): Il y a quelque chose que je n’ai
pas bien compris, moi tel que je l’entends, nous sommes dans un
processus d’enseignement en présence. Où est la distance
?
Karine Marot : Nous sommes dans un processus
hybride. A distance, car j’ai dans mon ordinateur tous les cours
que m’ont transmis les enseignants. Ces cours ont été
retravaillés, réécrits pour qu’ils soient utilisables
directement. Nous les transmettons à la maison d’arrêt.
Par exemple, en Histoire, il y a un enseignant qui ne se rend que deux
fois à la maison d’arrêt. J’emmène donc
son cours, le distribue à ses étudiants lorsque je les rencontre
pour mon propre cours. Au milieu du semestre, l’enseignant de la
discipline s’y rend une première fois, afin de voir où
en sont les étudiants dans leurs lectures du cours et s’ils
ont des questions à poser. L’enseignant s’y rend une
seconde fois, à la veille des partiels. C’est donc plus de
la distance en fait, dans la mesure où l’étudiant
se trouve, un peu comme avec des cours du CNED, avec une petite liasse
de cours et s’en débrouille avec quand même deux interventions
ponctuelles de l’enseignant du CM.
Antoine Rauzy : Le dispositif, l’encadrement,
l’aspect supplémentaire du dépôt de cours, c’est
toi qui l’assure en dehors de ta discipline en quelque sorte ?
Karine Marot : Oui, il faut savoir que nous
sommes une des plus petites universités d’île de France
et c’est très facile pour nous car les enseignants sont proches.
J’ai des collègues qui reviennent avec des copies pour moi
ou un autre collègue. Cela permet d’aller vite et d’être
très réactif.
Jean-René Gauvreau : Si je peux me
permettre de compléter, il arrive parfois que le RLE complète
lorsque l’étudiant a des questions, ou besoin d’effectuer
une recherche documentaire. Il m’arrive de le faire pour lui, de
télécharger des documents complémentaires au cours
sur Internet puisqu’il n’y a pas accès. A Fleury-Mérogis,
nous avons parfois la venue de trois élèves de l’école
polytechnique en stage de six mois qui permettent d’utiliser leurs
compétences. Par exemple, l’an dernier, une de ces élèves
avait des compétences en sociologie et pouvait intervenir pour
aider les étudiants dans ce domaine. Cette année, nous avions
un autre élève, titulaire d’une licence d’Histoire,
qui complétait les interventions auprès de l’étudiant
de L2 Histoire. A l’occasion, ce peut être aussi un étudiant
du GENEPI.
Karine Marot : Un autre exemple, pour les
Mathématiques, le collègue qui intervient à Fleury-Mérogis
rencontre à chaque fois les trois étudiants polytechniciens
qui font du tutorat en math. auprès des détenus. Nous travaillions
effectivement l’an dernier avec des étudiants du GENEPI,
mais ne l’avons pas fait cette année car il semblerait qu’ils
revoient leurs fonctions au sein des établissements pénitentiaires.
C’est en tout cas une aide précieuse.
Michèle Lacombe (UPMC-Sorbonne
Université) : Votre activité, telle qu’elle
est, suppose une localisation entre Marne-la-Vallée et Fleury-Mérogis.
Pour ma part, je contacte des étudiants qui sont à Nantes,
à Bordeaux… et le déplacement des enseignants de Paris
vers ces différentes villes devient extrêmement difficile
à envisager. Nous avons une dispersion énorme des quelques
inscrits.
Karine Marot : Nous ne travaillons en présentiel
qu’avec la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis.
Cependant, nous travaillons également avec 7 prisons en ayant entre
70 et 80 étudiants inscrits au DAEU.
Jean-Luc Guyot : Ce qui a été
mis en place au niveau de la Région île de France a considérablement
modifié le paysage en terme de volume. Vous parliez tout à
l’heure de méthodologie. Dans les écrits qu’on
lit concernant les étudiants en milieu pénitentiaire, on
voit systématiquement arriver cette problématique : pour
devenir vraiment un étudiant, il doit y avoir un travail d’appui
méthodologique assez conséquent. Pourriez-vous nous en dire
un peu plus, sur la nature de cette aide méthodologique qu’il
est nécessaire à mettre en place ? Peut-être une autre
question aussi pour le RLE : quelle différence faites-vous en ce
qui se passe avec Marne-la-Vallée et peut-être un suivi d’étudiant
plus classique, avec moins de présentiel, que vous avez déjà
fait ?
Karine Marot : En ce qui concerne la méthodologie,
nous reprenons les fascicules utilisés avec nos autres étudiants.
Nous travaillons avec nos étudiants incarcérés à
la lecture de ces documents, en particulier la partie rédactionnelle,
car beaucoup sont des décrocheurs et certains ont passé
absolument tous leurs diplômes en prison. Ils ne sont pas académiques,
et il nous faut leur faire intégrer les canons de la dissertation
par exemple. C’est long, mais comme ils travaillent beaucoup et
rendent beaucoup de devoirs, ils avancent assez vite. Ce sont des décrocheurs
qui ont décrochés, parfois jeunes pour des conditions qui
n’étaient pas forcément liées à leur
scolarité, mais à leur environnement. Ils ont les compétences
pour aller dans l’enseignement supérieur. Cela ne fonctionne
pas pour tous, mais tous progressent.
Jean-René Gauvreau: Pour le RLE, il
est beaucoup plus simple de n’avoir à faire qu’à
une seule université partenaire, et proche, car les professeurs
se déplacent et le contact est beaucoup plus simple à établir.
Si nous revenons à l’enseignement à distance classique,
il est très rare de voir des professeurs directement. Nous pourrions
utiliser les forums mis en place, mais les RLE n’ont pas le temps
de le faire, d’autant plus que depuis le mois de novembre 2014,
Internet n’est plus accessible sur l’ordinateur du bureau
du RLE. Cela signifie que tout le travail en relation avec les autres
universités s’effectue à partir du domicile du RLE.
Cela induit une vraie perte en confort, et nous sommes vraiment en situation
de handicap numérique, comme le qualifiait déjà Alain
Boussarie.
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FIED - Alain Boivin |