Enjeux et perspectives de l’enseignement universitaire
à distance en milieu carcéral
en collaboration avec la Direction de l'Administration Pénitentiaire

Historique, enjeux du groupe de travail de la FIED

Dominique Poincelot, Responsable du groupe de travail « Etudiants empêchés » de la FIED.

Je vais vous présenter la journée thématique de la FIED consacrée l’enseignement universitaire à distance en milieu carcéral. Pour commencer, permettez-moi de vous livrer un souvenir personnel. Il y a trois ans, en 2012, le président d’alors de la FIED, Jacques Carpentier lors d’une réunion du conseil d’administration de la FIED m’avait sollicité, dans la continuité de son prédécesseur, Ronan Chabauty présent aujourd’hui, pour créer un groupe de travail sur les étudiants empêchés. Nous ciblions les étudiants incarcérés et les étudiants handicapés. J’ai accepté de prendre la direction de ce groupe de travail, j’ai relevé ce défi car a priori, j’avais peu de connaissance en 2012 sur ces étudiants incarcérés. Il y avait déjà une convention signée dans mon université donc des choses avaient déjà été réalisées et je savais qu’il y avait quelques étudiants incarcérés inscrits dans mon centre d’enseignement à distance.
Le groupe de travail
Il y avait donc, dans mon établissement deux conventions signées, l’une avec le centre de détention de Poissy et l’autre avec l’UPR de Dijon. Un enseignant du centre d’enseignement à distance, François Pétiard présent parmi nous, suivait personnellement et même volontairement ces deux étudiants. Ces deux conventions dataient de plus de 8 ans. Ce qui montre l’écart entre le monde universitaire, celui de l’enseignement à distance très numérique, et le monde des étudiants incarcérés.
Cet écart nous a donné un réel sentiment de découverte.
Nous avons rencontré deux proviseurs d’UPR, celui de Strasbourg, Rémy Bordes qui est présent et celle de Dijon Michelle Jacquinot. Le travail a été très intéressant, nous nous sommes heurtés à un certain nombre de contraintes, mais nous avons vite vu qu’il y avait un vrai défi, une originalité pour ces publics. Parallèlement à cela, nous avons aussi rencontré une jeune sociologue, Fanny Salane qui participera à cette journée, pour nous présenter l’identité de l’étudiant incarcéré, ses trajectoires scolaires et aussi la mutation sociale des prisons. Derrière ces mots, il y a des réalités, des pratiques et nous avons croisé toutes ces problématiques, pour en avoir une connaissance plus fine.
Nous sommes arrivés au constat criant, quantitativement, que sur plus de 65 000 personnes incarcérées en France nous avions, en 2012, 220 étudiants inscrits dont 75 qui suivaient nos formations au DAEU. On avait une réelle fragmentation des offres de formation dans une quinzaine d’universités. Chaque université avait quelques étudiants seulement. Nous sommes face à un réel défi pour nos universités qui proposent de l’enseignement à distance pour promouvoir cet enseignement universitaire auprès de ces étudiants empêchés.
L’étudiant incarcéré, nous l’aborderons avec Fanny Salane, c’est une identité, une trajectoire scolaire, des attentes, des contraintes. L’objectif du groupe de travail est de faciliter l’accès à une formation, favoriser l’accompagnement administratif et pédagogique, adapter nos dispositifs et encourager leur réussite personnelle, voire leur réinsertion.
Ce groupe de travail a une logique exploratoire puisqu’on arrive à rencontrer au fil des mois, des années, un certain nombre de personnalités de la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) notamment madame Bryon responsable nationale de l’enseignement, les proviseurs responsables d’unités pédagogiques régionales (UPR), des enseignants responsables locaux d’enseignement (RLE) et des collègues directeurs de centres de formation à distance dans leur université, des enseignants universitaires volontaires…
Nous avons aussi une démarche collaborative, le groupe est composé de quatre à dix personnes. Il y a un renouvellement avec des logiques un peu différentes selon les objectifs. Nous souhaitons faire intervenir dans le groupe, des acteurs de terrain, croiser les expériences, les pratiques d’enseignements à distance et en présence dans les prisons. Nous voulons être aussi une force de proposition au sein de la FIED afin de proposer un dispositif pour accompagner les universités dans le développement de l’enseignement à distance, faciliter l’accompagnement, le suivi administratif, la recherche de formations pour ces étudiants incarcérés.

Les axes du groupe de travail.
Trois axes ont été retenus, je vais vous les présenter rapidement.
La clarification de l’offre de formation universitaire afin la rendre plus lisible plus visible. Sur le site de la FIED plus de 500 formations sont affichées et il n’est pas forcément facile pour un étudiant peu informé d’accéder à une information claire.
Proposer un guide administratif et pédagogique qui reprend un peu les spécificités de ces publics incarcérés pour harmoniser les pratiques et adapter les pédagogies qui leurs sont spécifiques. Nous en parlerons en détail cet après-midi avec l’équipe de l’Université Paul Valéry de Montpellier dont je remercie la Présidente Anne Fraisse d’être parmi nous aujourd’hui.
Proposer un modèle de convention mis à disposition des universités qui souhaitent le proposer à des centres ou des régions de manière à formaliser les choses qui, souvent, se font de gré à gré car souvent un étudiant incarcéré sollicite une université pour suivre une formation et les choses se font selon la bonne volonté des uns et des autres. Nous y avons déjà travaillé il y a deux ans avec les UPR.
Un dernier point ; qui est notre objectif pour 2015, est de faire signer un accord-cadre entre les deux ministères afin de chapeauter ce dispositif.
Le premier axe n’est pas facile contrairement à ce qu’on pourrait croire. Il a suscité des débats et au fil des rencontres nous avons tenu à avoir quelque chose le plus clair possible : donner de la visibilité et communiquer sur notre offre de formation. La FIED, c’est 31 universités représentant plus de 500 formations diplômantes. En 2012, l’idée était de partir de l’existant, c’est-à-dire d’avoir une statistique fiable de la DAP afin de connaître les universités qui avaient au moins un étudiant incarcéré inscrit et selon les disciplines, voir les trajectoires des étudiants.
Nous avons retenu de nous focaliser sur cette quinzaine d’universités incluant le CNAM. Nous les avons classées par discipline, de manière à pouvoir proposer deux ou trois établissements pour une discipline. Par exemple Rennes pour la Psychologie, Strasbourg pour l’Histoire. Cela peut poser des problèmes à des étudiants incarcérés qui souhaiteraient peut-être s’inscrire dans une université proche, mais nous souhaitions avoir un noyau d’universités partenaires avec lesquelles nous pouvions travailler, rien n’est figé ou fermé.
En 2013, nous avons mis en place une campagne de communication avec des affichettes, des flyers et des plaquettes. Une communication à destination des RLE pour la consultation sur le site de la FIED de l’offre de formation de ses adhérents
Le deuxième axe concerne la contextualisation de l’offre de formation c’est-à-dire adapter si possible le dispositif pédagogique. Evidemment, la FIED propose un dispositif de cours en ligne avec de l’accompagnement, du tutorat, des devoirs d’accompagnement, des forums, etc… Mais dans le cas présent, nous nous adressons à des publics non connectés. Nous avons eu des discussions en lien avec la DAP, les proviseurs d’UPR, certains RLE impliqués et avons essayé de formaliser un cahier des charges pédagogique, de manière à mutualiser les pratiques et d’obtenir quelque chose d’assez homogène au niveau des universités afin de pouvoir dire : voilà ce qu’est un étudiant incarcéré et voilà le dispositif qui peut être utilisé pour sa formation.
Vous aurez les premiers résultats des travaux de ce groupe puisque nous avons produit le Guide Administratif qui reprend tout le dispositif et montre l’importance du binôme RLE-responsable pédagogique de l’université.
On nous a aussi sollicités pour définir des correspondants dans les universités, c’est-à-dire avoir dans une université au moins une personne capable de donner de l’information générale et d’orienter vers les bonnes personnes lorsqu’on veut inscrire, avoir de l’information et suivre un étudiant incarcéré. C’est pour cette raison que nous avons sollicité des correspondants dans cette quinzaine d’universités.
Le troisième axe concerne un modèle de convention qui s’inspire de conventions locales établies à Besançon ou à Dijon. Il est mis en ligne sur le site de la FIED.
L’idée est de chapeauter au niveau des ministères un accord-cadre de manière à pourvoir le décliner en conventions au niveau régional. Pour notre part, nous pensons le faire transiter via la conférence des présidents d’université (CPU) pour le faire remonter au niveau de notre ministère. Nous sommes prêts à l’engager, la DAP également. Nous comptons sur Anne Fraisse qui est présente et Gilles Roussel qui nous accueille pour faire remonter au ministère puis le décliner au niveau des universités.
Le dispositif n’est pas complet, nous sommes une dizaine à y travailler, j’espère que cette journée sera pleine de découvertes pour vous et d’échanges constructifs et fructueux. Le prochain Guide sur lequel nous travaillons avec l’université Paul Valéry de Montpellier porte sur les pédagogies innovantes, il y aura des retours d’expériences et si vous vous voulez vous engager dans le groupe de travail, vous serez les bienvenus.

 

 

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FIED - Alain Boivin