Enjeux et perspectives de l’enseignement universitaire
Vers des pratiques
adaptées à l'EAD en milieu carcéral :
Patricia Cavallo
: Nous allons nous intéresser aux ressources pédagogiques,
à ce qui nous a amené à adapter des ressources pédagogiques,
à vous présenter des exemples de ce que nous avons fait.
Nous avons beaucoup parlé des interactions entre étudiants
et enseignants lors de cette journée, j’y reviendrai mais
rapidement, et ferai un focus sur l’accompagnement des enseignants
à l’université et l’accompagnement du RLE, quelques
pistes de réflexion sur ce que nous pourrions envisager.
Pour ces ressources pédagogiques adaptées au contexte carcéral, nous avons ces contraintes à la fois temporelles et matérielles, ces contraintes d’accès aux ressources par l’étudiant, mais nous avons également toujours à l’esprit un objectif, l’étudiant doit être en mesure d’acquérir des connaissances, des compétences, être capable de réviser le cours en vue des examens et être capable de s’autoévaluer et s’entraîner à l’évaluation. Compte tenu de tous ces facteurs, que pouvons-nous proposer ? Tout d’abord, une liste de questions que nous nous sommes posées. Nous avons parlé d’ingénierie pédagogique. L’ingénieur pédagogique travaille en collaboration avec les enseignants, les accompagne dans la production des ressources pédagogiques s’ils le souhaitent et les questions que tout ingénieur pédagogique est amené à se poser lorsqu’il reçoit, lorsqu’il prend connaissance d’une ressource communiquée par un enseignant, sont : Qu’ai-je comme contenu ? Dans ce contexte, ai-je essentiellement du texte ? Des images figurent-elles dans le document du cours ? (ce qui ne pose pas problème, sauf peut-être en matière de droit d’auteur). Des fichiers audio figurent-ils ? Des ressources vidéos ? Le corpus qui m’est remis est-il numéroté ? (le paquet de feuilles échappe à l’étudiant, tout se mélange, cela peut paraître ridicule, mais cela peut être un frein aussi). Y a-t-il une page de garde pour chacun des chapitres ? Contient-il des liens Internet qui renvoient vers des ressources complémentaires, mais qui peuvent aussi renvoyer vers des ressources fondamentales à l’acquisition du cours, du chapitre, de la notion ? Des paragraphes, pour faciliter l’apprentissage ont-ils été mis en exergue ? (dans le langage de l’ingénieur pédagogique, on va parler de balises pédagogiques qui peut aller de la balise attention, définition, en savoir plus, activité, exercice, entrainement à d’autres appellations). Nous sommes dans un contexte particulier, celui de l’EAD qui suppose, par rapport au présentiel, la formulation de consignes pédagogiques beaucoup plus précises. Nous sommes dans la salle, je regarde monsieur, je vois qu’il est attentif, qu’il m’écoute, qu’il acquiesce, ce qui montre que mon discours visiblement passe, mais si je fais abstraction du présentiel et que j’installe de la distance, je ne sais pas si mon message passe. Donc je vais devoir peut-être entrer plus dans le détail que je ne le ferais dans un contexte présentiel. Vais-je faire figurer dans mon corpus, en tant qu’enseignant, des activités d’autoévaluation ? A la fin du cours ? Après chacun des chapitres ? Après une notion fondamentale ? Quel type d’activité d’autoévaluation ? Des QCM ? Fais-je un retour à l’étudiant en fonction de ses réponses aux questions ? Est-ce que je propose dans le cadre de la préparation à l’examen des corrigés, des devoirs corrigés type, sans parler de correction personnalisée ? Est-ce que je donne des préconisations en matière d'organisation du travail, à savoir avant de commencer l’apprentissage de ce chapitre, vous devez être certain de maitriser telle ou telle notion ? Tout ingénieur pédagogique est amené à se poser ces questions lorsqu’il prend connaissance d’un support. L’enseignant, lorsqu’il conçoit son support, se les pose également. Je ne reviendrai pas sur le détail du questionnaire pédagogique qui nous permet de recevoir des réponses à des questions sur le contexte, la durée d’apprentissage. Ce schéma nous montre le cheminement d’un document. A l’origine, nous avons un document de cours qui
comporte différents éléments, comporter ou non des
réponses aux questions que nous nous sommes posées précédemment.
C’est un document qui est élaboré par l’enseignant,
par l’équipe pédagogique. Les questions que nous allons
nous poser reprennent celles posées précédemment,
en ajoutant une couche supplémentaire, notamment en matière
de droits d’auteur, droit d’utilisation des ressources qui
sont intégrées dans le corpus. (Vous êtes enseignant
en Histoire, vous allez illustrer votre cours avec des photographies de
tableaux par exemple. La question sera de savoir si on a le droit de les
intégrer dans la ressource pédagogique sachant qu’elle
sera transmise à l’extérieur de l’établissement,
sans accès authentifié, sur un support numérique
physique qui sera un CD-ROM).
Un second exemple, une ressource de l’université Paul Valléry, en occitan. Ce module a été remis à un étudiant en détention, à Saint-Maur. C’est un module multimédia qui peut être joué de manière non connectée, c’est le but, qui comporte, vous le voyez au milieu de la page, des fichiers audio qui peuvent être lancés par l’étudiant. C’est une ressource de langue vivante ; oralité du discours, donc compréhension orale et, il est vrai que ce type de ressource nous permet de répondre à l’apprentissage des langues. On pourrait même aller plus loin encore et permettre à l’étudiant de s’enregistrer, mais il s’agit d’une autre question. Comme cette ressource a été réalisée à l’aide de la chaine éditoriale scénari, avec le modèle Opale pour ceux qui connaissent, et personnalisée aux couleurs de notre université, nous pourrions générer un PDF. Les fichiers audio ne sont pas embarqués dans le PDF, mais nous travaillons, sur les dernières générations de PDF, à l’intégration de fichiers audio et vidéo. Franchement, c’est intéressant, cela fonctionne aussi. Un troisième exemple, une ressource produite pour l’Université Virtuelle Environnement Développement Durable (UVED) qui porte sur les risques naturels. Elle a été scénarisée avec 8 enseignants auteurs et contient des médias, des images, les objectifs d’apprentissage, un glossaire, des activités d’auto-évaluation. Cela permet de générer un produit agréable. Je ne suis pas une fan absolue, je fais partie d’une génération qui est encore habituée à manipuler du papier…
Concernant les ressources pédagogiques, quelques exemples de ce qui peut être réalisé aussi et de ce vers quoi nous aimerions tendre. Si vous me permettez, j’interrogerais un peu la salle et plus particulièrement les personnes qui représentent l’administration pénitentiaire. Pensez-vous que nous puissions nous orienter vers ce type de ressources ? On pourrait aussi imaginer un dispositif qui contienne le cours sur PDFet des activités d’entrainement, d’auto-évaluation, etc. sur CD-ROM avec des ressources plus dynamiques sur lesquelles l’étudiant pourrait travailler en salle multimédia par exemple. Il étudierait en cellule sur des documents papier ou sur PDFs’il a un ordinateur. Il travaillerait en salle multimédia en effectuant des activités… Jean-Luc Guyot : Ce que
vous présentez-là est un enrichissement par rapport à
un contenu sans liens. Il ne faut pas oublier que même à
l’intérieur de la convention qui lie l’Administration
Pénitentiaire et l’Education Nationale, la convention de
2011 dont Isabelle Bryon parlait ce matin, on intégrait le fait
qu’il y a à prendre en compte, par les deux administrations,
donc aussi par l’Administration Pénitentiaire, que nous
étions dans des modalités d’enseignement qui évoluent,
vont vers du multimédia. J’entendais ce matin Alain Boussarie
parler du fait qu’il y avait une sorte de handicap. Nous pouvons
lui donner un autre nom qu’un nom ancien, c’est la fracture
numérique. Et le fait qu’on ait besoin de faire en sorte
que les détenus, qu’ils soient étudiants ou que
ce soient d’autres détenus même non scolarisés,
ont besoin d’avoir un apport sur ce que sont les nouveaux moyens
de communication en général et aussi les nouveaux moyens
d’apprendre. Ce que vous interrogez, c’est le fait qu’on
puisse aller plus loin qu’en l’état actuel des choses.
Ce qui est toujours une difficulté, c’est que nous serons
tributaires de ce qui sera installé dans les établissements
pénitentiaires. Les enseignants qui travaillent dans ce milieu
savent bien que mettre à jour, ne serait-ce qu’un plug-in,
c’est à dire un petit programme qu’on utilise pour
faire en sorte que la vidéo apparaisse à l’écran,
peut être source de difficulté et lorsqu’on passe
d’une machine à une autre, ce n’est pas toujours
efficient. Je crois que l’enjeu se situe au niveau des Unités
Pédagogiques Régionales qui sont situées dans l’Administration
Pénitentiaire, afin de faire en sorte qu’on puisse sécuriser
l’environnement pédagogique, y compris l’environnement
numérique. La dernière réflexion portait, dans le cadre de l’accompagnement de l’apprentissage de l’étudiant, sur l’accompagnement du RLE dans l’aide à l’étudiant. L’accompagnement du RLE, on peut l’appeler kit pédagogique, guide d’accompagnement de la formation, c’est un document qui présente les caractéristiques de la ressource, puisque l’étudiant est en contact avec la ressource et pas forcément avec un enseignant. Il présente les caractéristiques de la ressource, a minima, le descriptif, les finalités, les objectifs d’apprentissage, l’estimation du temps de travail (même si c’est très difficile à effectuer), des conseils méthodologiques, la démarche d’apprentissage conseillée pour rentrer dans ce cours. Egalement l’organisation des activités, c’est-à-dire les modalités d’utilisation pédagogique. Des conseils méthodologiques qui permettront au RLE d’être en capacité à aider l’étudiant s’il figure dans la ressource. Des ressources de remédiation, afin qu’il puisse s’y référer, s’il n’a pas compris tel ou tel point. A minima les énoncés, les corrigés de chaque activité. En conclusion et cela rejoint ce que vous venez de
dire concernant le partage de pratiques et le retour des différentes
expérimentations que nous avons menées, ce type de document
pourrait-il être utile au RLE ? Peut-être ce type de document
pourrait-il être utile au RLE qui a, par exemple, à accompagner
un étudiant qui prépare un L1 de Philosophie.
oOo FIED - Alain Boivin |