Enjeux et perspectives de l’enseignement universitaire
à distance en milieu carcéral
en collaboration avec la Direction de l'Administration
Pénitentiaire
Les enjeux de l'Enseignement
supérieur en prison, le point de vue de la DAP/ UPR
-
Isabelle Bryon,
Responsable nationale de l’enseignement, Direction de l’Administration
Pénitentiaire
Alain Boussarie, Proviseur de l’UPR de Paris.
-
-
Isabelle
Bryon :
Je vais vous présenter le contexte de l’enseignement
en milieu pénitentiaire. Nous sommes régis par un ensemble
réglementaire qui pose le cadre de l’enseignement en
milieu pénitentiaire. Je passe par ce détour pour vous
expliquer où se trouvent, dans ce contexte, la catégorie
des étudiants empêchés.
-
- Le cadre de l’enseignement en milieu pénitentiaire.
Nous avons trois textes principaux. La loi du 29 juillet 1998 relative
aux exclusions est une loi interministérielle très large
qui impose à tout service de l’état d’inscrire
dans ses priorités la prise en charge des publics les plus en
difficulté, en particulier pour ce qui nous concerne, la prise
en charge des publics illettrés. Cette obligation est reprise
dans la loi pénitentiaire et inscrite dans le Code de procédure
pénale qui précise dans son article D436 que « l’enseignement
primaire est assuré dans les établissements. Les condamnés
qui ne savent pas lire, écrire ou calculer doivent bénéficier
de cet enseignement, les autres peuvent y être admis sur demande.
». Il y a bien une dimension d’obligation et une dimension
plus facultative qui s’étudie en fonction des demandes,
des besoins, des possibilités.
Le troisième texte est un texte ratifié par le conseil
des ministres en 2006 : ce sont les règles pénitentiaires
européennes qui créent des obligations « toute prison
doit s’efforcer à donner accès à un programme
d’enseignement, priorité doit être donnée
aux détenus qui ne sauraient pas lire ».Voilà donc
posé le cadre de l’enseignement en milieu pénitentiaire.
Ce cadre est repris dans la convention du 8 décembre 2011 entre
le Ministère de l’Education Nationale et le Ministère
de la Justice. C’est dans ce cadre que fonctionnent les Unités
Pédagogiques Régionales, que mon poste de Responsable
Nationale de l’Enseignement entre les deux ministères existe.
C’est vraiment l’outil de structuration de l’enseignement
en milieu pénitentiaire. Cette convention fixe des répartitions
de charges et des priorités.
-
Les publics des services d’enseignement.
Les publics prioritaires, à l’heure actuelle, sont les
publics mineurs puisque nous sommes sous ou proche de l’obligation
scolaire. Nous avons pratiquement tous les mineurs en cours puisque
c’est d’abord une volonté partagée, mais
aussi parce qu’en dehors de l’école et du sport,
il y a peu d’activités à leur proposer.
Un autre objectif est la lutte contre l’illettrisme. Il s’agit
d’un dispositif coordonné entre l’administration
pénitentiaire et l’Education Nationale.
Les groupes de FLE (français langue étrangère)
est un autre objectif, car être non francophone en détention
est invivable. Beaucoup de choses passent par l’écrit,
un détenu non francophone doit passer par son codétenu
pour effectuer une demande et est ainsi placé en situation
de dépendance, de subordination. Il est donc important d’outiller
rapidement ces personnes, y compris en termes de projet de sortie,
de réinsertion, voir même dans le cadre d’un retour
au pays car c’est une compétence qui peut être
alors valorisée.
Le dernier objectif est celui des remises à niveau et des préparations
aux premières certifications –ce qui, pour l’Education
Nationale, correspond au tout premier diplôme reconnu, le Certificat
de Formation Générale. Nous sommes très loin
de l’enseignement supérieur.
Vous avez ici nos priorités actuelles. Il n’est pas impossible
que dans le cadre du renouvellement de la convention, on nous demande
de travailler sur d’autres priorités, nous pensons en
particulier au public de jeunes majeurs, nombreux en détention,
compliqué en terme de réinsertion, de prévention
de la récidive. Cela fait partie des axes de réflexion
mais n’est pas acté dans l’actuelle convention.
J’insiste sur la convention car
c’est elle qui donne les moyens. Ces moyens pour fonctionner
sont négociés pour l’enseignement avec les recteurs
pour servir de manière prioritaire les objectifs de la convention.
C’est cette convention qui fixe les moyens donnés par
l’administration pénitentiaire pour assurer le fonctionnement
des services d’enseignement. Nous sommes un peu dans un dispositif
qui rappelle le partage qu’il y a entre collectivités
territoriales et établissements scolaires pour le second degré.
C’est-à-dire que la D.A.P. fait ce que fait le Conseil
régional pour un lycée, c’est-à-dire fournir
les locaux, les plateaux techniques, les salles de classe, le matériel
scolaire, etc…
Elle aide à budgéter le volet enseignement à
distance. Il y a des modes de calcul, prévus dans la convention,
permettant d’indiquer ce qui devrait être affecté
à l’enseignement en situation et ce qui devrait être
affecté à l’enseignement à distance.
Dans le tableau suivant, vous trouvez dans la colonne orangée
ce que représentent les publics prioritaires, c’est-à-dire
les mineurs de 16/17 ans ; les jeunes adultes scolarisés lors
de leur entrée en détention, puisque dans ce cas nous
sommes dans une continuité scolaire, qui implique une obligation
impérative afin que le cursus scolaire ne soit pas interrompu,
quel que soit le niveau de formation initiale ; les adultes illettrés,
c’est-à-dire des personnes ayant des difficultés
à lire, même un mot simple isolé ; les adultes
non francophones.
Pour tous ces publics, nous sommes en situation d’avoir une
obligation d’entretien, de bilan pédagogique, d’offre
scolaire et de relance pour éviter qu’une personne ne
s’enferme dans un premier refus.
-
-
Globalement, pour ces publics cela fonctionne bien
puisqu’à Villeneuve nous les scolarisons à 97,
98%. Pour les publics illettrés, nous avons les résultats
sur une UPR avec 98% de personnes qui acceptent de se reconnaître
illettrés et surtout de revenir vers un service d’enseignement
pour travailler l’apprentissage de la lecture.
Dans la colonne verte, vous avez les autres publics : les adultes
en demande de scolarisation ; les jeunes adultes qui n’étaient
pas scolarisés lors de leur incarcération et seraient
dans ce qu’on appelle une situation de récurrence par
rapport à la scolarité ; les adultes en difficulté
de lecture mais pas illettrés ; les adultes qui n’ont
pas de qualification. Ce sont des publics moins prioritaires auxquels
nous allons essayer de répondre. Les étudiants empêchés
seraient dans la catégorie adultes-demandeurs de scolarisation
dont les modalités sont à déterminer.
Pour ces personnes, il y a proposition d’entretien et en fonction
des possibilités une proposition d’une offre de formation
adaptée. Mais sur ces publics, nous avons à traiter
un éventail extrêmement marge qui s’étend
de la remise à niveau à la formation universitaire.
L’offre d’enseignement :
Notre offre d’enseignement, pour l’année 2014 en
excluant les mineurs, montre que 63% des personnes scolarisées
(sur la base du volontariat) l’étaient dans le cadre
des formations de base donc sur les publics prioritaires ; 27% suivaient
une formation de niveau collège ou formation professionnelle
; 8,4% suivaient une formation de niveau Bac/DAEU et 1,6% étaient
concernés par un cursus d’enseignement supérieur.
-
On met donc bien en évidence le gros bloc qui
est celui de la formation de base et le tout petit bloc qui représente
les études supérieures.
Nous avions en 2013-2014 350 personnes détenues engagées
dans un parcours universitaire.
Nous incluons dans le parcours universitaire les 181 personnes qui préparent
un DAEU. Nous constatons un renversement de tendance, c’est-à-dire
que plus de personnes s’inscrivent pour préparer un DAEU
plutôt que la préparation au baccalauréat, pour des
raisons qui peuvent être une spécialisation plus importante,
le champ des disciplines du baccalauréat étant plus large.
Cela nous interroge car nous sommes bien dans une logique qui devrait,
à l’issue du DAEU, conduire à s’engager dans
une poursuite d’études. Il faudrait approfondir avec les
collègues des Unités Pédagogiques Régionales
car nous ne sommes pas certains que ce soit toujours cela. Parfois les
personnes le choisissent en se disant que cela leur donne un niveau Bac
même si ensuite on n’en fait rien, en terme de poursuite d’études.
Nous arrivons donc à un total de 169 personnes engagées
dans un parcours d’enseignement supérieur, universitaire
ou BTS.
La répartition des choix
montre une masse assez importante d’inscriptions en DAEU ou les
remises à niveau pré-DAEU.
Pour le parcours Licence, c’est compliqué
à analyser dans cette enquête car nous n’avons pas
toujours les précisions dans les réponses. Parfois nous
avons l’indication L1 , L2, L3 mais d’autres fois seulement
l’indication Licence qui explique l’importance du bloc vert.
Il sera intéressant d’apprécier, par la suite, les
continuités de parcours, les effets de décrochage, de découragement,
etc…
Nous avons des Master 1, des Master 2 et même des Doctorats.
Je me souviens d’une remise de diplôme de Master 2 à
la Maison Centrale de Saint-Martin de Ré lors de laquelle le Recteur
demandait à l’étudiant incarcéré quel
était le projet d’études. Le détenu lui répondait
qu’il souhaitait s’engager dans un autre Master, en Sciences
du langage cette fois.
La répartition, par type
d’établissement.
Nous constatons que les détenus sont principalement incarcérés
en maison d’Arrêt (MA) dans lesquelles la rotation des détenus
est assez rapide et parfois nous sommes sur des parcours d’urgence
dus à la rotation, la surpopulation qui font que sont traités
en urgence les détenus prioritaires. Nous avons aussi des personnes
déjà engagées dans une formation et qui se signalent,
qui passent de la maison d’arrêt à un Centre de Détention
(CD). Les autres établissements sont des établissement pour
peines : Centres Pénitentiaires (CP), Maisons Centrales (MC) dans
lesquels les personnes sont incarcérées pour des peines
longues ou très longues.
Il nous arrive de rencontrer des personnes qui nous disent
avoir « tout appris en prison », en commençant par
un DAEU pour finir par un Master 2. Nous ne sommes pas ici dans une utilité
immédiate, l’étudiant ne négociera pas son
diplôme, mais dans une utilité, en quelque sorte, de survie
intellectuelle, de développement humaniste plutôt que dans
la rentabilisation immédiate d’un diplôme.
L’appui des services d’enseignement.
Cela intègre la dimension de l’accueil, l’aide à
la formalisation du projet, afin de ne pas laisser un détenu à
s’engager dans des projets irréalistes qui les mettraient
en difficulté. Il faut les aider dans la formalisation, dans les
démarches d’inscription, c’est la raison pour laquelle
nous sommes très contents d’être associés à
ces échanges autour du Guide, c’est-à-dire tout ce
qui peut aider au repérage, raccourcir les délais, identifier
les personnes qui vont être les bons contacts, ce qui est très
précieux pour nous. Cela concerne aussi les aides matérielles.
Le fait qu’il y ait le centre scolaire permet de se procurer le
papier, les supports de cours.
Les freins.
Le financement puisque l’enseignement
en présentiel, pour ce qui concerne les services Education Nationale,
est pris en charge par l’Education Nationale.. Le financement, là
où un budget peut être imputé à l’enseignement
à distance, a clairement été négocié
à un moment donné et nous constatons que nous avons une
demande de plus en plus importante d’accès à des enseignements
à distance qui font atteindre très vite les limites des
Unités Pédagogiques Régionales. Il reste alors le
financement par les personnes détenues. Certaines le peuvent car
leurs familles les assistent, d’autres travaillent et arrivent à
avoir suffisamment pour financer leurs inscriptions. Il faut reconnaître
que le financement peut être un frein, un obstacle.
L’accès aux ressources documentaires
peut être un frein. Il peut y avoir des bibliothèques en
prison, mais elles ne sont pas très spécialisées.
Il n‘est pas si simple de se procurer le bon livre dont on a besoin
.Il existe cependant des partenariats intéressants, par exemple
entre la bibliothèque universitaire de La Rochelle et le Centre
Pénitencier de Saint-Martin de Ré. Un point des besoins
est fait par le RLE et transmis tous les quinze jours à la bibliothèque
universitaire. Un petit caisson contenant les ouvrages demandés
arrive au centre et est laissé en prêt pour une rotation
de deux semaines. La proximité géographique explique aussi
la mise en œuvre facile de ce dispositif.
L’accès aux ressources numériques
est compliqué à mettre en œuvre. Si un étudiant
incarcéré veut faire un Master sur l’organisation
des réseaux de Résistance dans une région donnée
pourrait trouver plein de ressources en ligne mais il lui sera très
compliqué pour lui d’y accéder.
La lenteur est aussi un paramètre
à identifier. Faire entrer un livre en prison, par exemple, peut
demander beaucoup de temps. Il ne s’agit pas seulement de commander
et recevoir, il va passer chez le vaguemestre, être distribué...
Il faut comprendre qu’il y a des temps
de la détention qui sont à prendre en compte.
Cela concerne aussi les échanges de copies qui passent par les
services de courrier puis aux RLE.
Les conditions spaciales et temporelles
sont des paramètres à prendre en compte. Cela concerne l’organisation
du travail, si on est dans une modalité d’enseignement à
distance cela peut concerner les tirages « papier » des cours,
les ramener et stoker en cellule, mais aussi l’organisation avec
un codétenu. Il faut aussi faire avec les pics et les creux de
la mobilisation de la personne détenue. En effet, elle peut partir
dans son projet de façon très dynamique et motivée
et à d’autres moments, cette dynamique s’affaisse car
le temps est long, l’échéance est lointaine, la perspective
est incertaine. Il est difficile à imaginer la difficulté
à gérer une peine de 7 ans, 10 ans devant soi.
Les enjeux :
1,6% des personnes détenues scolarisées le sont dans des
parcours d’enseignement supérieur. Dans les faits, nous savons
que nous avons 5% des personnes entrant en détention qui déclarent
un niveau équivalent au Bac. Cela signifie donc que le vivier pourrait
être beaucoup plus important que le nombre de personnes qui se tournent
vers l’enseignement.
C’est une réponse qu’il serait utile de renforcer à
destination de ces personnes.
A la suite des attentats de janvier 2015, un plan de mobilisation a été
mis en œuvre autour des valeurs de la République. Nous avons
eu le bonheur, dans ce contexte qui ne s’y prêtait pas, d’avoir
la reconnaissance de nos publics à deux occasions. La mesure 9
porte sur les niveaux les plus fragiles et surtout la mesure
11 qui demande à l’Enseignement Supérieur
de renforcer la responsabilité sociale de ses établissements.
En découlent plusieurs propositions dont le
développement de l’accès aux études supérieures
pour les publics en difficulté et l’encouragement à
la poursuite d’études supérieures des jeunes incarcérés
par le développement des conventions entre les universités,
les directions inter-régionales, les services pénitentiaires
et les unités pédagogiques.
Nous sommes clairement dans notre champ de préoccupation et il
est vrai que je pensais, par rapport à notre projet d’accord
cadre, que nous pourrions nous servir de cette mesure portée par
le Ministère de l’Education Nationale pour nous tourner vers
nos interlocuteurs dans les deux ministères, afin de formaliser
un cadre interministériel.
Nous avons toujours un problème de reconnaissance de nos publics
dans les circulaires de l’Education Nationale, mais l’environnement
pénitentiaire ayant été aussi très fortement
ciblé comme étant un lieu de radicalisation, il était
assez logique que l’Education Nationale se dise qu’il y avait
dans les partages de responsabilité, à renforcer les messages
à destination de ces publics.
Je vous signale deux liens qui peuvent vous intéresser :
Bilan national annuel de l’enseignement
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Bilan_enseignement_2013.pdf
La convention Education Nationale -Justice
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Convention_8_12_11.pdf
Alain
Boussarie : Je
suis le Proviseur de l’UPR de Paris depuis le 1er septembre. J’avais
à découvrir l’univers carcéral que je ne connaissais
pas et établir un diagnostic. Je profite de cette occasion pour
donner mon sentiment sur le travail en ULE, en particulier le travail
des Responsables Locaux d’Enseignement.
Pour ma part, j’ai pris conscience d’une évolution
très importante des ULE et des missions des RLE. Je pense que nous
sommes passés d’un service public à un service à
la personne, comme beaucoup de services publics d’ailleurs. C’est-à-dire
qu’il y a quelques décennies, l’enseignement était
centré sur les fondamentaux, la lutte contre l’illettrisme
par exemple, et depuis quelques années, il est dans les pratiques
institutionnelles d’individualiser, de personnaliser les démarches
et à ce titre, les RLE ont diversifié les propositions d’offre
d’enseignement et ont très nettement complexifié leurs
missions.
En augmentant l’offre de formation, ils ont augmenté leur
charge de travail. Cette situation pose certains problèmes, entre
autres des problèmes logistiques.
Un responsable local rencontre des détenus. A l’occasion
de ces rencontres, de ces entretiens d’accueil, il a à proposer
une offre de formation.
Si pour la plupart des détenus cette offre de formation s’arrête
à des enseignements basiques, il n’empêche qu’un
certain nombre d’entre eux demandent un enseignement beaucoup plus
spécifique, plus pointu qui n’est pas forcément à
la portée des ressources de l’Unité Locale d’Enseignement
(ULE) puisque l’ensemble du corps enseignant en ULE est composé
de professeurs des écoles ou de professeurs certifiés ou
agrégés. L’enseignement à distance prend alors
une importance particulière et pertinente. Même si notre
cœur de métier s’adresse aux mineurs, sur un plan purement
des effectifs, je pense qu’à l’heure actuelle, au niveau
de la taille des effectifs des élèves mineurs et des élèves
étudiants, nous arrivons à un niveau assez proche. Les mineurs
constituent une vraie minorité en détention, pour autant,
nous y consacrons une bonne part de nos moyens, il n’empêche
que les étudiants qui constituent eux aussi une minorité
sont d’un point de vue quantitatif de l’ordre du simple au
double, ce qui n’a rien à voir avec le rapport mineurs/majeurs
en détention. L’enseignement universitaire deviendra, s’il
n’est pas déjà devenu, une dimension importante dans
le travail des RLE.
La gestion administrative des étudiants
Chaque université, dans son autonomie, organise les inscriptions
de ses étudiants à sa façon et le RLE doit devenir
une sorte d’expert puisqu’en fonction de l’université
à laquelle il s’adresse, la procédure n’est
pas tout à fait la même. Il y a parfois des produits intéressants.
Par exemple l’université de Rouen propose un outil, pour
le téléchargement des cours, universel donc quelle que soit
la formation proposée par l’université de Rouen, nous
nous trouvons dans une procédure identique, ce qui est facilitateur
et pourrait être une solution intéressante à retenir
ailleurs. Mais surtout, le RLE va consacrer énormément de
temps aux démarches administratives et pendant ce temps-là,
puisque son temps est restreint, il ne peut pas se consacrer comme il
pourrait le faire aux élèves. Les UPR auraient peut-être
à redéfinir et redistribuer ces différentes charges
de travail, de façon à décharger au plus les RLE
de la charge purement administrative de la gestion du dossier. Nous réfléchissons
à l’UPR de Paris à ce que les RLE fassent remonter
les demandes d’inscriptions et à ce que les inscriptions
soient assurées au niveau de l’UPR.
De la même façon nous cherchons à centraliser les
inscriptions aux examens donc à trouver un adjoint, un responsable
qui aurait toute cette gestion administrative et devienne un interlocuteur
privilégié des universités, un expert en inscriptions
en quelque sorte. S’il constitue un goulot d’étranglement
car tout passe par lui, il devrait être aussi un élément
facilitateur car il aura la connaissance, l’habitude et la reconnaissance
aussi des partenaires. C’est un projet qui me tient à cœur
et que j’espère développer assez vite.
Quand on enlève cette charge de travail aux RLE, on leur permet
alors de se recentrer sur la partie qui paraît la plus indispensable
et primordiale pour assurer la réussite d’études en
enseignement à distance, à savoir la pertinence de l’inscription
et un suivi.
Quel suivi peut faire une RLE ou un enseignant de l’ULE dans le
cadre des études ? Je pense que ce pourrait être un soutien
méthodologique, mais surtout un soutien psychologique, une attention
comme on peut l’offrir en collège ou lycée aux élèves
décrocheurs dans le cadre d’un tutorat.
Il me paraît primordial, si l’enseignement à distance
n’est qu’une simple distribution de cours sans valeur humaine
ajoutée, nous allons à l’échec. Surtout qu’il
existe des stratégies individuelles chez certains détenus
dans lesquelles l’inscription à l’université
peut valoir un certain intérêt dans le cadre des remises
de peine. On peut dire que toutes les inscriptions ne sont pas forcément
sincères. Il faut démêler tout cela et offrir un environnement
propice à la réussite de ces études qui sont relativement
complexes par rapport à un enseignement en présentiel. D’ailleurs
une solution qui consisterait à ajouter du présentiel serait
la bienvenue, l’expérience de Marne-la-Vallée à
ce titre est intéressante car on ajoute de l’humain et à
partir de là on redonne une vraie valeur à l’enseignement
lui-même -la personne se sentant soutenue, aidée, encadrée
c’est forcément efficace.
Cette première approche de ma part consisterait donc en une redistribution
de la charge de travail et de faire en sorte que l’UPR se définisse
dans une fonction de gestion administrative et qu’on replace l’ULE
et le RLE dans une gestion éducative et pédagogique des
étudiants détenus.
L’efficience
C’est une seconde problématique, Isabelle Bryon a rappelé
tout à l’heure un bon nombre de freins à la poursuite
d’études, j’en retiendrai un en particulier : l’accès
au numérique.
A l’heure actuelle, un détenu n’accède pas à
des contenus numériques ou de façon très limitée,
puisque le seul contenu numérique auquel il peut accéder
l’est via un support CR-ROM non réinscriptible qui lui est
distribué. S’il possède un ordinateur en cellule,
il peut le consulter. Il ne peut le faire que s’il a acheté
lui-même un ordinateur. J’imagine mal un détenu s’engager
sur ce type de dépense afin de disposer d’un ordinateur en
cellule, en maison d’arrêt, compte-tenu de la surpopulation
carcérale. L’achat de cet ordinateur serait « cantiné
» et devrait être compatible avec la privation de liberté
du détenu. Ce serait donc une machine relativement chère
pour ses capacités ce qui n’en fait pas une machine très
attractive. Il ne peut s’agir d’un ordinateur portable, mais
d’une tour sans autre connexion que celle permettant la lecture
d’un CD-ROM. Cela correspond à un investissement important
pour un intérêt limité. Il peut être intéressant
pour les UPR de se pencher sur la question de mise en place de bourses
pour financer ce type d’achat, de prendre une partie de ces dépenses
quitte à diminuer le nombre de détenus potentiellement inscrits
à des cours à distance.
A l’heure actuelle, le taux d’échec des détenus
en enseignement à distance peut être important et toute mesure
qui améliorerait ce taux de réussite serait une bonne chose.
Un détenu qui s’engage dans de telles études réellement
réussira, par contre un bon nombre de détenus s’inscrivent,
mais ne s’engagent pas dans les études. Sur le plan financier,
c’est une problématique importante pour les UPR. L’UPR
de Paris a un budget de 24 000€ par an pour l’enseignement
à distance et finance à hauteur d’un tiers les frais
d’inscription - l’administration pénitentiaire en finance
un tiers et l’étudiant le tiers restant. Ce sont des dépenses
relativement conséquentes qui, dans beaucoup de cas, n’aboutissent
pas, en général quand l’étudiant a effectué
son inscription mais ne s’est pas engagé dans les études
ensuite. Dès l’instant où le détenu s’est
engagé dans la formation, cela donne des résultats.
Le numérique est devenu un média de communication particulièrement
utile aux étudiants. Quand on parle de documentation, de recherche
documentaire, les centres de documentation universitaires dépensent
des sommes beaucoup plus importantes pour des abonnements à des
bases de données qu’à des achats de documents «
papier ». Un détenu qui ne peut accéder qu’à
de la documentation papier est déjà un étudiant qui
n’accède plus à la documentation utile aux études.
Nous pouvons donc parler, à mon sens, de véritable handicap.
Cette notion de handicap me paraît intéressante à
retenir car le détenu est effectivement, comme dans le cas d’un
handicap, dans l’incapacité d’accéder à
de l’information.
Nous sommes très proches d’un handicap sensoriel pour un
étudiant empêché. Il est intéressant de réfléchir
à nos actions par rapport à ce handicap sensoriel. Nous
pourrions dire que le détenu qui n’accède pas à
l’information numérique serait un mal-connecté, comme
nous avons un mal-voyant ou un mal-entendant.
L’Education Nationale a des habitudes : si on parle d’éducation
spéciale, on peut trouver des personnes en capacité de mener
des enseignements auprès de personnes handicapées. Il serait
intéressant de se poser ces questions : quels sont les outils ?
Que doit-on mettre en place pour lutter contre le handicap de la non-connectivité
des personnes détenues ?
Il me semble que monsieur Gauvreau en rapportant tout à l’heure
l’expérience de Marne-la Vallée en parlera mieux que
moi - que le travail du RLE, de l’ULE, de l’université
de Marne-la-Vallée sont des moyens de lutte contre ce handicap,
à savoir le tutorat, les bourses de la Région île
de France - le projet mené à Fleury-Mérogis, contribue
à lutter contre ce handicap. Un des autres freins, pour le détenu,
est un frein financier. Lui propose r d’abandonner son travail pour
suivre des études, comme le permettent les bourses de la Région
île de France, permet de le lever ce frein.
Je pense qu’un référent
universitaire ou un référent d’études,
donc une présence pas obligatoirement régulière,
serait aussi un élément important.
L’ensemble des réponses que nous devons apporter pour développer
l’enseignement à distance sont celles qui doivent permettre
de lutter contre le manque de communication, le manque d’accès
à la formation des détenus. Cette approche a du sens, historiquement,
pour les RLE puisque beaucoup d’entre eux sont des enseignants du
premier degré spécialisés et à ce titre ont
toujours été sensibles à trouver des solutions qui
permettent à des élèves en situation de handicap
de pouvoir suivre leurs études.
C’est une autre approche car l’administration pénitentiaire
est incapable pour l’instant de fournir un accès à
la formation numérique et je ne crois pas que cette situation évoluera
très rapidement. Nous avons à gérer un temps présent
qui va perdurer et à imaginer des solutions qui nous permettent
de trouver des contournements à ces difficultés.
Questions/réponses
:
Delphine Heude : C’est un détail
mais qu’est-ce qu’une ULE ?
Alain Boussarie : C’est l’Unité
Locale d’Enseignement c’est-à-dire une école
dans un lieu de détention.
Isabelle Bryon : Nous avons une architecture
très proche de l’architecture scolaire. L’Unité
Pédagogique Régionale (UPR) est comme un grand lycée
sur l’inter-région pénitentiaire (il y a 10 inter-régions
pénitentiaires au total), avec à sa tête un proviseur.
Dans chaque établissement pénitentiaire quasiment on trouve
une Unité Locale d’Enseignement (ULE) qui est le service
d’enseignement à l’intérieur du lieu de détention.
Il en existe de toutes les tailles, parfois un demi-poste dans un petit
établissement, parfois il y en a plusieurs au sein de certains
centres.
Alain Boussarie : Pour compléter, en
revenant sur cette notion de handicap –bien que je n’y fasse
pas une fixation - quand on parle d’ULE, dans les centres de détention
importants, il y a une ULE par bâtiment puisque le détenu
ne peut pas sortir des bâtiments. Les difficultés que nous
avons à faire entrer en contact les détenus avec la formation
passent aussi par des contraintes physiques, par exemple, à Fleury-Mérogis
nous avons six ULE, bientôt sept car les lieux font qu’il
n’est pas possible de passer d’un bâtiment à
un autre.
Mireille Baurens (Université
Stendhal- Grenoble 3) :
Vous nous avez fourni des données quantitatives, avez-vous des
statistiques sexuées et donc la proportion des femmes s'investissant
dans les études ?
Isabelle Bryon : Les femmes sont très
peu représentées en détention et représentent
de mémoire 3 à 3,5% de la population totale. Nous avons
été consultés il y a peu, sur l’offre scolaire
que nous étions en mesure de mettre en œuvre. La difficulté,
en particulier pour l’organisation de la scolarité, est que
nous sommes dans des principes de non-mixité. Les femmes étant
moins nombreuses, l’offre est nécessairement plus réduite
puisque les hommes sont plus nombreux, les ressources mises sur le quartier
des hommes seront plus importantes que celles mises sur le quartier des
femmes dès lors qu’on ne peut pas faire de mixité
scolaire. Mécaniquement, l’offre va là où le
public est plus nombreux donc vers les hommes. Peut-être l’avez-vous
vu lorsque j’ai montré la répartition en fonction
des établissements, il y avait un centre pénitentiaire pour
femmes. C’est le seul établissement où toute l’offre
se concentre sur ce public.
Mireille Baurens : J’ai entendu que
des élèves de l’école polytechnique faisaient
des stages en prison et qu’il y avait une étude sur l’absentéisme
en formation. Il avait été mis à jour qu’un
des facteurs assez importants du non investissement, une fois les inscriptions
faites, avait pour origine les conditions matérielles, pas forcément
un investissement personnel difficile des étudiants qui avait peut-être
été un peu désamorcé par la mise en place
d’un logiciel de mise en compatibilité entre les emplois
du temps des détenus.
Isabelle Bryon : Je pense que vous faites
référence à ce qui se passe à la prison de
Corbas qui a un partenariat renouvelé chaque année avec
l’école polytechnique. Nous n’avons pas eu le retour
de cette enquête. Nous savons que le contrat des deux derniers étudiants
en stage dans les établissements pénitentiaires de Meyzieux
et de Corbas consistait à effectuer du suivi et de voir l’après
car cela nous intéresse aussi, une fois ces parcours de formation
engagés en détention, de voir comment ils sont utilisés
à la sortie. J’ai indiqué tout à l’heure
que nous avions des problèmes d’organisation spatiale, c’est
vrai que la détention complique les choses, par exemple, la prise
de médicaments, lorsqu’il y a un traitement régulier
destiné à un mineur, celui-ci doit aller à l’unité
sanitaire de l’établissement, rencontrer le personnel médical
et pendant ce temps, même si c’est pour prendre un simple
cachet, il n’ira pas en cours. Mais comme nous ne sommes pas dans
une fluidité de déplacements, le fait de revenir dans le
centre scolaire sous-entend des mouvements. Donc ce petit acte, de prise
d’un médicament, peut se traduire au bout de la chaîne
par le fait qu’il ne soit pas en cours pendant une ou plusieurs
séquences. Nous savons que l’étude a été
conduite, mais nous n’en avons pas de retour qualitatif.
Alain Boussarie : En maison d’arrêt,
une ULE peut accueillir 200 élèves par an alors qu’elle
ne dispose que de 50 places car il y a un flux continu important. Pour
les détenus qui s’inscrivent dans les formations, une des
difficultés qu’ils rencontrent avec l’enseignement
à distance est d’avoir une instance - et la FIED a tout son
rôle à jouer - susceptible d’assurer un transfert des
supports de cours d’un établissement à un autre par
exemple car dans ce flux, il y a des détenus qui vont être
libérés, d’autres qui vont changer de bâtiment,
changer de centre. Cette situation, en maison d’arrêt, pose
des difficultés spécifiques. Dans les établissements
pour longues peines la durée de la captivité fait que le
détenu peut s’engager dans les études de façon
régulière et sereine car les conditions d’incarcération
ne sont pas les mêmes, il peut se retrouver seul dans sa cellule
alors qu’en maison d’arrêt il se retrouvera avec un
ou deux autres détenus ou plus. Dans ces conditions, le simple
stockage des cours papier est une vraie problématique. J’insiste
sur ce fait car lorsqu’un détenu ne peut pas recevoir une
pile de cours en maison d’arrêt, cela n’a rien à
voir avec un étudiant empêché pour une raison passagère
qui pourra maintenir une multitude de relations par le biais du numérique.
C’est très décourageant pour un adulte détenu
de se retrouver seul face à ses cours sans autre assistance.
Mireille Baurens : Parmi les freins, vous
avez parlé des freins financiers. Si maintenant la Région
a la prérogative, y aura-t-il un peu plus de financements, on a
dit à moyens constants mais cela devrait-il changer en 2016 ? Y
aurait-il des contacts avec des sponsors, de grandes entreprises qui s’engageraient
dans le social ?
Isabelle Bryon : Au moment où la Région
île de France a lancé le projet, nous avions essayé
de voir quelle était la situation. En termes d’aides financière,
nous étions plus sur des aides associatives. C’est-à-dire
qu’il y a des bourses d’étude qui sont accordées
par des fondations et par des associations du type Secours Catholique,
fondation Orange etc… Cela dépend des contacts qui sont développés
localement entre les responsables des fondations, des associations et
les UPR.
Alain Boussarie : L’intervention de
la Région porte exclusivement sur la formation professionnelle.
La formation professionnelle, quand on parle UPR et ULE, est quelque chose
d’annexe. Nous intervenons dans certaines formations professionnelles
à la demande de l’administration pénitentiaire et
assurons des enseignements généraux. Nous proposons parfois
certains baccalauréats professionnels sans pour autant en assurer
l’obtention totale puisque les périodes de stage en entreprise
sont impossibles en prison. Au final, dans ce cas, les détenus
s’engagent sur un diplôme qu’ils ne peuvent pas obtenir.
Mais la mission de la Région, c’est la formation professionnelle.
A l’heure actuelle, les plateaux techniques et l’ensemble
de ces formations sont assurés par l’administration pénitentiaire,
cela n’a pas de rapport direct évident avec l’Education
Nationale. Par exemple, hier je participais à une réunion
avec la Région et les bourses, l’initiative et l’expérimentation
de bourses à destination des détenus qui souhaitent suivre
un enseignement supérieur à Fleury-Mérogis n’est
qu’un essai et n’est pas une mission de la Région.
C’est expérimental et nous ne savons pas si cela durera ou
pas.
Véronique Dejardin (CNAM)
: Je m’occupe des étudiants empêchés, et les
étudiants du CNAM doivent finaliser leurs diplômes avec une
épreuve orale portant sur un rapport de stage. Afin de pouvoir
le faire, ils peuvent obtenir une autorisation de sortie du juge d’application
des peines à certaines périodes puisque le stage se déroule
6 semaines en entreprise ou à travers l’entreprise par un
entraînement pédagogique ce qui leur permet de faire le stage
en virtuel, dans la prison, mais cela n’est pas possible partout.
Alain Boussarie : Nous ne sommes pas dans
les mêmes quantités. Quand je parle de bac professionnel
et offrir l’opportunité aux détenus de faire leur
stage dans le cadre de ce type de formation ce n’est pas du tout
la même chose. Cela porte sur des quantités beaucoup plus
importantes et des situations qui ne leur permettent pas de bénéficier
d’une liberté particulière comme le droit de sortir.
Claire Hanen (Université
Paris Ouest Nanterre La Défense)
: J’avais une question concernant l’accès au
numérique : qu’en est-il des liseuses, des tablettes ?
Isabelle Bryon : Nous avons pensé que l’utilisation des liseuses
pouvait être très intéressante. C’est un autre
service, en charge de la culture, qui s’en est chargé. L’hypothèse
du développement de l’usage des liseuses a été
étudiée car cela permet de multiplier les ressources, de
gagner de la place -en particulier en maison d’arrêt avec
les problèmes de surpopulation. Les seules liseuses qui peuvent
être autorisées sont celles qui ne peuvent pas être
connectées, celles de première génération.
Delphine Heude : Concernant l’accessibilité
à Internet en prison, y a-t-il des réflexions menées
sur ce sujet ? Pense-t-on à des connexions sécurisées
?
Isabelle Bryon : La réflexion existe.
Les contraintes sont très lourdes, concernant la sécurité,
la protection de victimes. En effet, il ne faut pas qu’une personne
détenue puisse continuer de gérer ses petites affaires depuis
son lieu de détention, de faire de l’intimidation sur ses
victimes, etc… il ne faut pas non plus que les réseaux puissent
fonctionner. La réflexion existe, mais nous sommes souvent, dans
ces administrations, dans des effets de balancier. C’est-à-dire
qu’on a l’impression à certains moments que les choses
avancent, en ce moment, dans cette période post-attentat, la mobilisation
sur la radicalisation a plutôt un effet de crispation sur tout ce
qui était peut-être en gestation. Nous savons qu’il
y a des expérimentations. Il y a eu un dispositif, Cyber-base®
Justice, très intéressant mais extrêmement coûteux
qui ne pourra pas être déployé sous la forme que nous
avons connue. Il permettait d’accéder à des ressources
avec des profils de détenus. Il a été expérimenté
dans 7 établissements, mais imposait beaucoup de contraintes en
termes de ressources humaines, d’actualisation des bases de données,
etc… Il y a un autre dispositif Up Tv, l’informatique par
la télévision. Il ne se déploiera que dans les établissements
neufs car cela doit être conçu avec le bâtiment. Cela
existe dans trois établissements : Condé-sur-Sarthe, Orléans-Saran
et Vendin-le-Vieil. La question qui se pose à nous, maintenant,
en reprenant la métaphore d’un directeur inter-régional,
« c’est de mettre de l’essence dans la Ferrari ».
C’est un très beau dispositif, mais il faut trouver les supports
compatibles, etc… qui pourraient peut-être permettre d’alimenter
avec des ressources qui seraient accessibles comme un programme de télévision.
C’est donc en réflexion et nous avons un partenariat pour
le tester avec le CNED. Un des axes du partenariat avec le CNED serait
que certaines de ces ressources soient étudiées en vue d’une
accessibilité sur ces canaux Up Tv. Cela implique maintenant que
les services informatiques de la direction de l’administration pénitentiaire
nous disent que tout cela est faisable, qu’ils acceptent de donner
leurs spécificités techniques… c’est assez compliqué.
Nous savons qu’il y a un troisième champ d’expérimentation
dans un établissement de la direction inter-régionale de
Strasbourg, qui consisterait en un système de boxes sécurisées.
Il s’agit d’un modèle emprunté au modèle
belge, sachant que la Belgique est revenue depuis sur la possibilité
d’accès à Internet depuis la prison.
Nous savons donc qu’il y a des pistes explorées avec la lenteur
d’une administration qui a à faire aussi avec des impératifs
de sécurité très lourds.
Alain Boussarie : Pour ma part, il y a une
approche qui me paraît nécessaire, on met en détention
des personnes pour en protéger d’autres. Actuellement, une
personne existe virtuellement, sans même parler d’avatar.
On restreint la liberté d’un individu en le mettant en détention,
de la même façon, il faudrait penser individu numérique
et penser une réponse de cet ordre. A l’heure actuelle, on
interdit complètement le numérique, mais un détenu
en détention a aussi des droits de communiquer physiquement avec
les parloirs par exemple. J’ai du mal à comprendre que notre
société ne se positionne pas davantage sur les droits de
communication virtuels et à ce titre, une personne en détention
devrait certes avoir des obligations puisqu’elle est en détention,
mais aussi certaines capacités, qu’elles soient limitées
ne signifie pas interdites. C’est une problématique très
complexe sur un plan sécuritaire en prison.
Isabelle Bryon : Nous sommes là dans
l’effet « crispation »…
François Pétiard
(Université de Franche-Comté) : Nous avons un
étudiant incarcéré suisse qui a un accès (j’ignore
s’il est sécurisé ou non) pour se connecter une fois
à notre plateforme pédagogique.
Isabelle Bryon : La question de l’informatique
en détention dépasse largement le cadre de l’enseignement.
Nous faisons état de nos besoins, au niveau de l’administration
pénitentiaire, et clairement en indiquons deux types : besoin d’accès
pour un travail autonome de personnes détenues qui peuvent se débrouiller
et un besoin d’utilisation pédagogique de ressources sur
Internet avec des personnes qui ne sont pas autonomes et auront besoin
d’être accompagnées dans le cadre d’interactions
dans une salle de cours. Les modèles européens sont effectivement
étudiés par un autre bureau qui s’occupe du déploiement
et de la sécurité Internet. L’expérimentation
lancée dans l’Est est inspirée du modèle belge,
mais en même temps que nous l’avons lancée, nous avons
appris que les belges verrouillaient ce dispositif. L’année
dernière, dans le cadre d’un programme européen d’échange
sur l’enseignement, GRUNDTVIG, des équipes ont été
mobilisées. Une personne de l’UPR de Paris et une personne
de la DAP y ont participé. Nous voyons les besoins du point de
vue de l’enseignement, mais ils sont plus larges, et concernent
aussi l’accès à la culture…
oOo
FIED - Alain Boivin |